Sylvain Savolainen

Reporter / Photographe

Salvador de Bahia

Le monde populaire de l’écrivain Jorge Amado

En 1549, Tomé de Souza foulait la terre de la Baie de tous les Saints pour fonder la ville de Salvador de Bahia, première capitale du Brésil. Pendant des siècles, la cité a tiré sa richesse de la production de sucre et du commerce des esclaves, devenant même le plus grand marché d'esclaves de l'histoire. Juteux négoces qui permirent à Salvador de devenir l'une des plus rayonnantes cités du continent américain.

Aujourd'hui, si une grande partie de la ville a été classée Patrimoine Mondial de l'Humanité par l'UNESCO, ce sont les « petites gens » -le monde populaire de Salvador de Bahia- qui font de la ville un lieu vibrant et poignant; loin du carnaval et de sa réalité maquillée pour touristes, loin des clichés habituels d'un Brésil réduit aux images de football, plages et de belles filles.

De plus, São Salvador da Bahia de Todos os Santos (la baie de tous les saints) continue à vivre une vie de roman après la mort de Jorge Amado, le célèbre écrivain brésilien. Chroniqueur de sa ville qu'il a aimée, chérit, chantée, ses livres témoignent d’un profond respect du «populaire», des situations conventionnelles de gens porteurs d’histoires violentes, mais aussi de rire et de sensualité.

Le choix est donné, en plus d'une présentation originale de Salvador de Bahia, le reportage peut être présenté comme un hommage à Jorge Amado.

Scènes de rue et intérieurs de maison, coupeurs de canne à sucre, le grand ascenseur qui sépare la ville haute et la basse entre les riches, situés sur les hauteurs, et les pauvres d'en bas; les boxeurs, les bars, les prostituées et le candomblé -culte afro-brésilien, religion phare de la région-, autant d’images qui frappent le voyageur lorsqu’il sait prendre les chemins de traverse de Salvador de Bahia. Des lieux, des atmosphères, des situations de vie où résonne la voix posthume de Jorge Amado, le trouvère populaire qui a vécu ici, connu l’exil, puis y est mort.

Ce reportage est construit ainsi, quasiment chaque image fait directement écho à une phrase, un passage, un lieu ou un personnage des livres de Jorge Amado. Antonio Balduino, le boxeur noir, héros du livre «Bahia de tous les saints» paru en 1935, existe toujours. Mãe Preta (la mère noire), la prostituée que l’écrivain a connue est aujourd’hui couverte de cheveux blancs. Elle n’exerce plus vraiment son métier, mais recueille les enfants abandonnés qui courent dans les rues et grattent la guitare. Et l’ascenseur fonctionne encore, symbolisant la fracture sociale d’un pays à l’économie toujours à deux niveaux.